10 ans de prison pour l’auteur de l’alerte Amber à Sainte-Paule : une peine « raisonnable » selon le juge

Le procès s’est déroulé dans la salle d’audience du palais de justice, par visioconférence, en présence du juge Me Denis Paradis, de membres de la cour et de quelques journalistes. Photo : Romain Pelletier

Le juge Denis Paradis de la Cour du Québec qualifie de « raisonnable » la peine qu’il a infligée ce matin par visioconférence au palais de justice de Matane à l’auteur de l’enlèvement de son fils et du déclenchement de l’alerte Ambert du 31 août au 5 septembre à Sainte-Paule, avec en toile de fond, un contexte de violence conjugale.

« Cette peine (de 10 ans de prison, moins les 253 jours à titre de détention, donc à une peine de 9 ans et 111 jours), peut paraître clémente aux yeux de certains, ou sévère pour d’autres. Tel n’est pas le cas. Elle est juste et appropriée, tenant compte de toutes les circonstances », a-t-il indiqué devant le personnel de la Cour et les quelques personnes dans la salle d’audience à cause de la pandémie de la COVID-19.

Cette condamnation s’accompagne pour l’accusé d’une interdiction de communiquer de quelque façon que ce soit, directement ou indirectement, avec les victimes. Il doit aussi fournir des échantillons corporels nécessaires à l’analyse de son ADN, dans un délai de 150 jours, et il lui est interdit de posséder une arme à feu, munitions ou substances explosives.

Selon le juge, cette peine est proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant.

Il est d’avis que l’accusé a évité l’irréparable : « Ces actes, déjà lourds de conséquences, auraient pu être pires. Il relève du mystère, ou de la chance, que personne ne soit tué dans ces désolants évènements, c’est-à-dire son enfant ou des policiers. »

Pendant six jours, il a tenu en haleine quelque 400 policiers tant à Sainte-Paule qu’ailleurs au Québec, sur terre et dans les airs.

Déclenchée le 31 août, l’alerte Amber signalant un enlèvement d’enfant a pris fin le 5 septembre. On a mobilisé quelque 400 policiers, des hélicoptères, des véhicules tout-terrain pour retrouver les disparus. Photo : Romain Pelletier

Les avocates d’accord avec cette décision juste et appropriée

L’avocate de la défense, Me Nina Anne Tremblay de l’Aide juridique à Rimouski, estime elle aussi cette sentence comme « juste et appropriée » compte tenu des facteurs aggravants et atténuants dans ce dossier, notamment le plaidoyer de culpabilité rapide, évitant ainsi de longues procédures aux victimes.

Mais, elle rappelle qu’on « a besoin de ressources pour les hommes. On a un manque criant pour les femmes, mais il l’est encore plus pour les hommes. Sans aide, il est difficile de se réadapter, d’apprendre de ses erreurs. Même si en bout de ligne, tout le monde est capable de se remettre dans le droit chemin. »

L’avocate de la défense, Me Nina Anne Tremblay. Photo : Romain Pelletier

Voyant elle aussi cette sentence comme « juste et appropriée », l’avocate de la poursuite, Me Pamela Tremblay, s’attend à ce que cette affaire crée une jurisprudence puisqu’il n’y a pas beaucoup de cas similaires jusqu’à présent. Cette fois, note-t-elle, l’accusé a hérité d’une peine de 5 ans pour le déclenchement de l’alerte Amber qui s’est étalée sur plusieurs jours et 10 ans pour avoir déchargé des armes à feu en direction de policiers.

L’avocate de la poursuite, Me Pamela Tremblay. Photo : Romain Pelletier

Facteurs aggravants et atténuants

Avant de rendre sa sentence, le juge a pris en compte plusieurs facteurs aggravants, dont celui de l’accusé d’avoir fait subir un mauvais traitement à sa conjointe sur une longue période et d’avoir utilisé une arme à feu pour la menacer.

« Qu’un jeune enfant, en face de son père qui est une figure d’autorité, devienne sa victime est aussi un facteur aggravant, a-t-il ajouté. La durée de la cavale, les coups de feu tirés en présence de son fils, les négociations dont il est témoin, lui laissent indubitablement des séquelles, difficiles à évaluer pour le moment. Quant à madame, le Tribunal ne voit pas comment elle peut sortir indemne de ce triste épisode de sa vie. Point n’est besoin d’une expertise pour arriver cette fatale conclusion. »

Comme dernier facteur aggravant, le juge note l’imposante fiche criminelle de l’accusé recelant de nombreux dossiers de violence. Il recense sept condamnations. Pour ces infractions, il a reçu des peines de prison ferme et des peines d’emprisonnement avec sursis, dont une de 20 mois en 2013.

Il a aussi un bon nombre de bris de probation ou d’engagement, une infraction liée à l’utilisation d’une carte de crédit volée, une possession de stupéfiants, ainsi qu’une agression sexuelle.

Les faits selon le juge

Le 31 août 2021, tout a basculé rapidement, rappelle le magistrat: « La Direction de la protection de la jeunesse est à la recherche du jeune garçon. Vers la fin de l’après-midi, les policiers et l’intervenante de la directrice de la protection de la jeunesse apprennent de la mère de l’enfant que monsieur est avec lui, en forêt, et qu’il est armé.

Pendant ce temps, l’accusé s’enfuit avec son fils en forêt, ayant avec lui effectivement une arme à feu. Ils passent trois nuits complètes dehors, dont deux sous la pluie. L’accusé entre par effraction dans un chalet. Il y dort une nuit avec son fils. Il vole de la nourriture, une arme à feu prohibée, une arme de poing de calibre 38 et deux autres armes à feu, celles-là sans restrictions.

Le 4 septembre 2021, il réussit à se rendre à sa résidence avec l’enfant, à l’insu de tous. Alors qu’il dort au deuxième étage avec l’enfant, des policiers pénètrent dans la maison afin d’y placer des caméras de surveillance. L’accusé se réveille et tire un coup de feu en leur direction. Les agents se replient, mais l’accusé tire deux autres coups de feu. Personne n’est atteint. Deux autres coups de feu sont tirés par l’accusé et quatre autres, dont trois à travers le plancher, lorsque les policiers du groupe tactique entrent dans la maison pour tenter de secourir l’enfant. Il tire encore, une fois que le groupe tactique se retire.

Des négociations mènent à la reddition de l’accusé le lendemain midi. Arrêté, il fait des aveux et donne des détails sur son parcours en forêt avec l’enfant.

Par ailleurs, le véhicule tout-terrain retrouvé est celui volé par l’accusé le 7 juillet à Saint-Luc-de-Matane. Au moment de ces événements, il est sous le coup d’une ordonnance d’interdiction de possession d’armes à feu. »

Le poste de commandement de la Sûreté du Québec à Sainte-Paule. Photo : Romain Pelletier