Annulation du Festival Éole en musique, que s’est-il passé chez Kaméléart ?

Quartier général de Kaméléart (Photo Denis Lévesque- Arsenal Media)

Annulation du Festival Éole en musique, producteurs de spectacles impayés, fournisseurs qui cumulent les créances et des dépenses qui suscitent des questionnements dans les livres de l’organisme, les derniers mois n’ont pas été simples du côté de Kaméléart.

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Par la voix d’un communiqué en fin de journée ce jeudi, la direction de Kaméléart a confirmé que le festival Éole en musique n’aurait pas lieu en 2023 et que la saison estivale fera relâche complètement pour permettre aux administrateurs d’assurer une gestion diligente.

Outre cette déclaration écrite, plusieurs questions demeurent toujours sans réponse alors que le nouveau conseil d’administration est en place depuis quelques semaines à peine. En effet, de nouveaux administrateurs ont rejoint les rangs en l’absence de la directrice générale, Danielle Smith, qui se trouve actuellement en congé maladie pour une période indéterminée.

Selon les informations colligées ces dernières semaines par Monmatane.com, quatre nouveaux venus ont rejoint le conseil, des ajouts qui se sont faits à la demande de la Ville de Matane qui souhaite obtenir une reddition de comptes dans ce dossier alors que Kaméléart a pu toucher d’importantes subventions ces dernières années. 

Jean-Claude Gagnon, Nicole Lagacé ainsi qu’André Coulombe, tous trois réputés pour leur expérience dans le monde des affaires ou de la comptabilité ont rejoint le conseil. S’ajoute également le directeur du service des Loisirs de Matane, Martin Gilbert, qui assure en quelque sorte l’intérim de la direction générale pour la gestion courante des activités le temps de terminer la saison. La présidente du C.A., Brigitte Chrétien qui est en poste depuis 2016 selon le registraire des entreprises demeure en selle tout comme Richard Z. Sirois et Sébastien Ouellet.

En entrevue téléphonique, le maire de Matane, Eddy Métivier, confirme que les élus ont imposé de nouvelles conditions à Kaméléart suite à la démission de plusieurs administrateurs et de l’annonce d’un déficit en début d’année. Ces conditions prévoyaient l’ajout d’administrateurs possédant une expertise spécifique ainsi que la présentation d’un plan de redressement. Au moment de l’entrevue, la Ville était toujours en attente des documents financiers.

Des fournisseurs attendent leur chèque

En entrevue en mars dernier, la directrice Danielle Smith affirmait que les artistes en attente de paiement recevraient leur dû dans les prochains jours. Or, selon des vérifications effectuées ces derniers jours auprès de promoteurs qui ne souhaitent pas être identifiées par crainte de représailles, les chèques de certains se font toujours attendre. Il n’a pas été possible de confirmer si des paiements avaient bel et bien été faits.

Questionné à savoir si la Ville de Matane pourrait mettre un terme au statut de Kaméléart qui est reconnu comme diffuseur officiel sur le territoire, le maire demeure toutefois prudent. « On attend le portrait avant de prendre une décision, il faut laisser le temps au C.A. de voir claire dans les détails, on fait du hockey de rattrapage.  On essaye de comprendre ce qui s’est passé, de regrouper tous les engagements qui ont été faits. Il est trop tôt pour arriver avec une date. »

Outre les artistes, différents fournisseurs cumulent aussi des factures impayées, c’est le cas notamment d’un important fournisseur de matériel de scène pour qui les sommes se chiffrent à plusieurs dizaines de milliers de dollars. Le système de billetterie électronique de Kaméléart a d’ailleurs été hors d’usage brièvement la semaine dernière, un bris de service occasionné par le fait que le fournisseur n’avait pas été payé depuis des mois selon ce que nous avons pu apprendre de source bien informée.

Des personnes au fait de la situation qui ont accepté de nous parler à condition de ne pas être identifiées publiquement, mais pour qui nous avons été en mesure de corroborer le témoignage, nous ont confirmé que plusieurs constatations surprenantes auraient été faites par les administrateurs ces dernières semaines dans les finances de l’organisme en lien avec certaines dépenses. C’est d’ailleurs avec étonnement que le maire de Matane a réagi en début d’année lorsqu’informé que le diffuseur officiel de la Ville avait creusé un déficit.

L’organisation a-t-elle pris des risques financiers mal calculés, c’est une question qui demeure entière selon nos sources qui donnent en exemple l’aménagement du local de Kémélart qui s’est fait à grands frais pour un OSBL alors que les murs ont été recouverts en ‘’patine’’ pour un effet artistique, mais dont la facture s’élève à quelques dizaines de milliers de dollars. L’exemple d’un documentaire qui a nécessité un premier déboursé de 30 000$ sur un projet global de 100 000$, mais pour lequel rien n’a encore été livré nous est aussi donné. Bien que les différents témoignages recueillis évoquaient d’autres exemples, nous avons volontairement décidé de ne pas les inclure dans ce reportage puisque nos interlocuteurs ne pouvaient nous fournir de preuve suffisante.

Kaméléart perçoit d’importantes subventions pour financer ses activités

La présidente du conseil d’administration n’a pas souhaité répondre aux questions de Monmatane.com en ce qui concerne le portrait actuel des finances de Kaméléart. À combien s’élèvent les dettes de l’entité et combien reste-t-il dans les coffres ? À ces questions, Brigitte Chrétien a répondu que le travail était en cours à l’interne afin de faire le point.

Néanmoins, une compilation effectuée par nos soins auprès de différents bailleurs de fonds publics permet de conclure que Kaméléart a reçu ces trois dernières années, soit depuis la nomination de Danielle Smith à la tête de l’organisme, plus de 800 000$ en subvention. Le bureau du député de Matane, Pascal Bérubé, confirme une contribution de 8 500$, un montant qui atteint un peu plus de 200 000$ du côté de Patrimoine Canada, le Conseil des Arts et des Lettres a par ailleurs soutenu Kaméléart à hauteur de 603 000$. Enfin, la Ville de Matane s’est engagée pour 225 000$ depuis 2019, dont 75 000$ en 2023. À ces sommes s’ajoutent bien entendu différentes sources de revenus autonomes découlant des opérations de billetterie, un montant qu’il n’est pas possible d’estimer.

Kaméléart s’oppose à un nouveau festival gratuit

Au cours de nos démarches d’enquête, il nous a été possible d’apprendre que le diffuseur matanais s’est opposé farouchement ces derniers mois à un projet de mini-festival gratuit qui devait être présenté au centre-ville en collaboration avec la communauté de gens d’affaires.

Le promoteur qui ne souhaite pas être identifié publiquement nous a confirmé que ce même projet avait reçu un accueil fort positif dans d’autres villes de la province, mais qu’il avait abandonné le projet à Matane après reçu un appel pour le moins explosif de Kaméléart qui s’opposait à l’événement.

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