Complexe culturel Joseph-Rouleau : le quart de siècle d’une histoire rocambolesque

Le complexe culturel Joseph-Rouleau.

Le 30 septembre 2021, il restera deux ans, jour pour jour, avant que la ville de Matane devienne officiellement propriétaire du Complexe culturel Joseph-Rouleau. Si l’édifice du centre-ville représente maintenant un lieu phare de la vie culturelle matanaise, la gestation qui a précédé sa mise au monde s’est révélée passablement douloureuse. Arsenal média revient sur un des événements marquants de l’histoire récente de la ville.

1er juin 1997. Les citoyens de Matane rejettent par référendum le projet de maison de la culture dans une proportion de 58%. Après une campagne où partisans et opposants se sont affrontés à coups de slogans et de port de macaron, une majorité de Matanais dit non à l’édifice d’un peu plus de 2,6 millions de dollars, qui doit abriter la bibliothèque municipale, de même que des organismes culturels de la ville.

Dans un petit bar du centre-ville où les partisans du projet sont réunis pour attendre le dépouillement du vote, c’est la consternation. « On ne peut pas se permettre de perdre la subvention déjà accordée pour le projet », lance à la volée, Louis Poirier, qui deviendra président de Gestion immeuble culturel de Matane (GICUM), l’organisme à but non lucratif (OBNL) qui relancera finalement le projet. Autour de la table se trouvent notamment Delphis Bélanger, Fernand Cousineau et Roger Mazzerole, tous enseignants au cégep et, ironie du sort, tous des Matanais d’adoption.

Entre deux gorgés de bière pour faire passer la défaite, Louis Poirier se rappelle qu’un membre de la tablée lance l’idée de reprendre le projet là où la ville doit le laisser tomber. Le référendum portait sur le règlement d’emprunt que la ville devait adopter pour construire l’immeuble, se rappelle Louis Poirier, et non sur l’immeuble lui-même. Si quelqu’un d’autre en devenait le promoteur, la ville n’aurait plus à emprunter et la question serait réglée.

Quelques jours plus tard, un groupe de citoyens bénévoles se rassemblaient pour fonder l’OBNL, Gestion immeuble culturel de Matane, et entreprenait de redonner vie au projet.   

La tâche paraissait colossale. Il fallait d’abord convaincre les élus municipaux de les soutenir et, plus encore, le gouvernement du Québec, de transférer à une bande d’inconnus, une subvention de près de 2 millions de dollars pour mener à terme la construction d’un édifice qu’une majorité de citoyens avait rejeté.

Les membres de GICUM bénéficiaient tout de même d’un certain nombre d’alliés, dont Denise Gentil, la mairesse de la ville, et Mathias Rioux, le député péquiste de la circonscription.

Il fallait cependant faire vite. Les élections municipales approchaient et aucun candidat, dont l’ex-maire Maurice Gauthier, qui souhaitait revenir aux affaires, n’osait donner son appui à la construction du controversé complexe culturel. Et tout ça, sans compter ceux qui dénonçaient la récupération du projet rejeté, par un OBNL. « Dès le départ, on s’est fait dire : vous ne pouvez pas faire par la porte d’en arrière, ce que la municipalité n’a pas pu faire par la porte d’en avant », se remémore Louis Poirier, qui vit aujourd’hui dans sa ville natale de Carleton, en Baie-des-Chaleurs.

Le jeune retraité se rappelle cependant l’appui déterminant obtenu du ministre des Affaires municipales de l’époque, Rémi Trudel. « Je me souviens très bien d’avoir rencontré le ministre, qui, là-dessus, était catégorique. Les citoyens ont voté contre le règlement d’emprunt que devait contracter la ville, pas contre le complexe culturel. » « C’est à partir de ce moment que tout s’est enclenché et que la subvention nous a été transférée », raconte monsieur Poirier. « C’était la première fois que le ministère de la Culture transférait un dossier d’une municipalité vers un OBNL », dit-il.

23 ans et des poussières après le début de cette saga, le Complexe culturel Joseph-Rouleau se dresse à quelques encablures de l’embouchure de la rivière Matane, logé entre la Promenade des capitaines, à l’est, et l’avenue Saint-Jérôme, à l’ouest. Le bâtiment abrite, comme prévu à l’origine, la bibliothèque municipale et l’Espace F, un centre d’exposition artistique.

Ce qui réjouit tout particulièrement pour Louis Poirier, c’est que l’immeuble a été adopté dès le départ par les citoyens de la ville. Une anecdote lui vient d’ailleurs à l’esprit, au cours de notre entretien. « Une fois l’inauguration passée, je rencontre notre bibliothécaire de l’époque, Lise Whittom qui me dit : Louis, tu ne sais pas ce qui s’est passé en fin de semaine. À un moment donné, y avait trop de monde, puis y avait plus de chaises. Puis là, y a un des opposants qui est venu me dire : ben là, il manque de places. C’était le même qui trouvait que c’était pharaonique comme projet, que c’était trop grand et qu’on n’avaient pas besoin de ça. Ça, pour moi, c’était le plus beau cadeau », conclut monsieur Poirier.