« Les visages de l’exode aux U.S.A. » : une exposition de la Société d’histoire et de généalogie de Matane à voir

L’exposition se tient dans l’Espace Antoine-Gagnon de la Société d'histoire et de généalogie de Matane. Photo : Romain Pelletier

Confrontés à une situation économique difficile entre 1840 et 1930, des gens de la Matanie quittent pour les États-Unis, tout comme près d’un million de Québécois.

Danielle Otis de la Société d’histoire et de généalogie de Matane en a fait le sujet de l’exposition « Les visages de l’exode aux U.S.A. » présentée depuis le début du mois à l’Espace Antoine-Gagnon.

D’autres bénévoles y ont contribué : George Bouffard, Marc Durette et Serge-Alain-Ouellet. Jean-Guy Desjardins ainsi que Chantal Tremblay et Normand Ouellet ont imprimé les quelque 80 photos.

Celles-ci montrent des individus et des familles, des voyageurs outre-frontière partis chercher aux États-Unis une existence meilleure que celle offerte en Matanie. Plusieurs des photos sont accompagnées d’une tranche d’histoire relatant leur vie aux États et leurs pérégrinations d’un côté à l’autre de la frontière.

L’affiche de l’exposition avec Mlle Landry et Aurore Hamilton dans une filature à Lawrence au Massachusetts vers 1927. Photo : Romain Pelletier

Les destinations de choix : le Massachusetts et la ville de Fall River

Le Massachusetts et la ville Fall River deviennent pour la grande majorité leurs choix de destination. Des membres des familles Bouffard, Lapointe et Lepage y font de courts séjours ou s’y installent à demeure.

« Pour les enfants de Joseph Imbeault, souligne Danielle Otis, l’aventure se poursuit plus à l’Ouest jusqu’au Michigan, où les industries forestière et minière se développent à partir du milieu du XIXe siècle. D’autres de nos concitoyens, éparpillés sur le territoire américain, laisseront une trace de leur passage dans les états du Montana, du Texas ou du Dakota du Nord.

Et bien que son histoire déborde les frontières américaines, comment passer sous silence le parcours exceptionnel du Matanais Joseph Lapierre qui traverse les États-Unis pour faire fortune dans les mines du Nicaragua. »

Célébration de l’audace et de l’esprit d’aventure de ces ancêtres

Selon elle, l’exposition célèbre l’audace et l’esprit d’aventure de ces ancêtres, le désir d’améliorer leurs conditions de vie et leurs capacités d’adaptation à un milieu étranger facilité par la présence sur place d’un réseau d’entraide familial.

C’est aussi un refus du fatalisme face à la pauvreté et, dans une certaine mesure, un premier mouvement d’indépendance face au clergé qui les condamnait du haut de la chaire. Une prise de distance bien illustrée par ces propos d’une exilée : « Y’a rien de mal à vouloir gagner sa vie ».

Des réactions des deux côtés de la frontière

« L’importance de cet exode a inévitablement provoqué des réactions des deux côtés de la frontière, rappelle Danielle Otis. Au Québec, les élites civiles et religieuses ont d’abord mené une campagne de dénigrement à l’endroit des exilés pour ensuite les qualifier de quasi-missionnaires répandant les valeurs religieuses et canadiennes-françaises en territoire américain.

Le clergé québécois s’est alors activé à leur fournir prêtres et religieuses pour l’établissement de paroisses contribuant ainsi à créer ce qu’on a appelé les “ Petits Canadas ”, sorte d’enclave urbaine où on pouvait naître, vivre et mourir en français et selon les valeurs de la religion catholique à l’abri des influences étrangères.

Du côté américain, l’inquiétude et l’hostilité face à ces Canadiens français trop nombreux culminent, dans certains États, en campagne de harcèlement menée par le Ku Klux Klan qui incarnait la peur d’une influence trop grande de cette minorité francophone catholique sur la politique et les institutions américaines. »

Les Canadiens français étaient la cible du Klu Klux Kan. Photo : Romain Pelletier

Période sombre, mais réalité bien décevante

« Pour certains auteurs, note Danielle Otis, ce vaste mouvement d’exil représente une période sombre de notre histoire. Ils déplorent l’exploitation ouvrière des Canadiens français surnommés les « Chinois de l’est », leurs conditions de vie insalubres et la surmortalité infantile.

C’est faire abstraction des conditions de vie offertes par le Québec à cette époque et des promesses d’avenir peu encourageantes sur un territoire surpeuplé, très peu industrialisé, offrant un futur limité pour ces couples et leurs enfants. Les allers-retours frontaliers sont une preuve que, malgré le désir souvent présent d’un retour au pays, la réalité sur le sol québécois était parfois bien décevante, ce qui amenait les familles à refaire les bagages pour un autre départ vers les États. »

Des conditions de travail difficile dans les filatures. Photo : Romain Pelletier