« Pierres blanches » de Judith Bellavance à Espaces F

Judith Bellavance, devant l’installation « Eldorado ». Photo Romain Pelletier

Depuis hier vendredi 24 mars et jusqu’au samedi 29 avril, le centre d’artistes Espaces F propose « Pierres blanches », la réunion de trois projets, de l’artiste et thanatopractrice Judith Bellavance, au complexe culturel Joseph-Rouleau de Matane.

Les galeries où il est possible de voir l’installation « Eldorado », de même que les photos de « Prononce mon nom » et de « Pierres blanches » sont accessibles au 520, avenue Saint-Jérôme, du lundi au samedi de 13 h à 17 h . Entrée libre.

En parallèle à son parcours d’artiste, l’artiste pratique depuis 2019 le métier de thanatopractrice. Originaire de Rimouski, elle vit à Montréal. Photo Romain Pelletier 

Fascinée par les vestiges de vie

Selon Espaces F, Judith Bellavance partage sa fascination pour les vestiges de vie que l’humanité abandonne derrière elle, notamment ceux associés aux monuments et rites funéraires.

Elle les montre altérés par une nature qui reprend le dessus, couvrant les pierres tombales blanches de lichens, atténuant sur celles-ci les photos en médaillons des défunts, ou encore, en asséchant les fleurs laissées à proximité.

Si certaines images sont fidèles à ce qui s’est offert à sa caméra et témoignent de sa maîtrise du médium, plusieurs résultent d’interventions imperceptibles (retrait/ ajout) ou manifestes (collage/mise en scène) servant une démarche ancrée dans l’invention picturale. 

Lien vidéo : https://youtu.be/gUP8OAVjI8M

Mur de fleurs séchées

D’entrée de jeu, Judith Bellavance présente l’installation « Eldorado », son projet sans cesse en devenir. Il s’agit en fait d’un mur d’ornements funéraires composé de plusieurs centaines de fleurs séchées piquées sur un mur de 9,15 par  3,65 mètres (30 x 12 pieds) avec un éclairage amplifiant leurs ombres.

En plus d’une vidéo, l’œuvre s’accompagne de quelques photos qu’elle travaille comme une peintre, sa pratique précédente, en m’attardant aux textures, aux couleurs et à la composition.

«  En tant que thanatopractrice, indique-t-elle, je suis quotidiennement en contact avec la mort. Le laboratoire du complexe funéraire se fait voisin de l’atelier d’artiste. Je recueille les dépouilles des ornements funéraires laissés sur place en fin de rituel et je les fais sécher. Les murs que je pique de ces fleurs mortuaires deviennent à la fois dessin dans l’espace, théâtre d’ombres, horizon tronqué, témoignage d’un cycle naturel ainsi que de fin de vie. »

L’installation « Eldorado », son projet sans cesse en devenir. Photo Romain Pelletier

Ses « humains-fleurs »

Avec « Prononce mon nom », Judith Bellavance expose sur deux écrans ses « humains-fleurs », nés de la combinaison de portraits en médaillons de personnes décédées et de fleurs entières, leurs pétales et leur pistil prélevés aux bouquets qui les ornent.

Elle s’en approprie les pétales pour les placer sur leurs visages pour préserver leur anonymat et opérer leur métamorphose. De ces visages, ne subsistent que des fragments.

Un de ses « humains-fleurs ». Photo Romain Pelletier

Images de pierres tombales retravaillées

Dans « Pierres blanches », elle montre des pierres tombales blanches en ne conservant que l’âge de la personne décédée, un prénom des dates, un mot. Ce sont des images qu’elle a travaillées pour ne conserver que ce qu’elle désirait.

« Ayant d’abord œuvré dans le milieu de la peinture, souligne-t-elle, j’ai toujours été intéressée par les détails et la matérialité des objets. En me concentrant sur eux, j’en suis venue à la photographie que je pratique avec mon expérience de peintre. »

Depuis le début des années 1990, Judith Bellavance a présenté son travail dans le cadre de nombreuses expositions un peu partout au Québec, notamment à deux reprises aux Rencontres internationales de la photographie en Gaspésie.


Une des images projetées de pierres tombales où elle n’a conservé ce qu’elle désirait. Photo Romain Pelletier