PORTRAIT | Le peintre Philippe Giroux poursuit son ascension de l’univers artistique

Philippe Giroux, devant son chevalet. Photo courtoisie.

Dans son logement au centre-ville de Matane, bien installé dans son atelier, Philippe Giroux gagne sa vie en peignant des portraits et des fresques naturelles dès 2014. Vivant à Matane par intervalles depuis son adolescence, il s’inspire de par son environnement gaspésien et ses sorties de pêche pour créer son art réaliste et texturé.

Cela fait maintenant plus de six ans que Philippe Giroux est artiste-peintre à temps plein, ce qui était son projet de vieillesse depuis quelques années maintenant. Il a fait la transition dans le but d’avoir une meilleure retraite, lui qui travaillait à son compte, pour des raisons de santé et de bien-être. « J’ai accumulé du bagage en peinture, et je me suis dit qu’il fallait que je le fasse. Et quelle bonne idée j’ai eue, car ça a apporté beaucoup de paix à mon âme », a lancé Giroux.

Le changement de carrière est arrivé à point, car les quelques années précédentes, Philippe avait pratiqué son anglais et navigué Internet en profondeur. « Ça m’a permis de toucher à peu près n’importe qui sur la planète », a-t-il expliqué. Il a rejoint des groupes francophones ou anglophones et ainsi, davantage de monde, et multiplie désormais les contacts.

Et actuellement, Philippe reçoit une reconnaissance internationale grandissante et détient déjà deux prix à l’étranger. Outre le prix du symposium de Sainte-Flavie et la convention des Beaux-Arts de Lévis en 2018, il a reçu la même année une mention d’honneur au Mondial Art Academia. En effet, le Mondial Art Academia l’a approché en 2017 pour qu’il devienne membre. « Ce n’est pas rien, c’est une grosse organisation basée en Europe avec des artistes de partout dans le monde. C’est un honneur de faire partie de ce groupe aussi prestigieux », a dit Giroux.

En 2020, Philippe a soumis sa toile intitulée « Rivière-Blanche en crue » pour un concours portant sur les paysages de lacs et rivières de la revue International Artist. Il a remporté ce prix cet été. Présentement, il est inscrit à deux autres concours, dont les résultats se font attendre. « Tout est une question de discipline. Je peins énormément, et lorsque je ne peins pas, je discute et partage sur Facebook – c’est un outil pour moi », a expliqué l’artiste-peintre.

La fameuse toile « Rivière-Blanche en crue », par Philippe Giroux. Photo courtoisie.
Autoportrait de la publication lui étant dédiée dans le magazine International Artist. Photo courtoisie.

M. Giroux a généreusement partagé sur ses réseaux le prix récemment reçu de la revue International Artist. Ainsi, il a pu recevoir une belle reconnaissance de la part de sa communauté. Les gens partagent, puis sa popularité se multiplie organiquement. « Avant de participer au concours, je n’étais pas connu. Puis, j’ai gagné et deux pages m’ont été dédiées dans la revue. Et le vrai prix, c’est un 4 pages réservé dans le magazine American Art Collector, à sortir dans les prochains mois. » Le magazine est distribué dans le monde entier, dont à Montréal.

Il octroie son succès à son travail acharné, autant en atelier que sur Internet, divisant son temps en création, en publicité et en marketing, et la manière qu’il se présente, de jouer les extravertis afin de rejoindre les différents groupes pouvant être intéressé à son art. Selon ce qu’il choisit de travailler, il peut rejoindre des groupes spécifiques. Par exemple, il peint des toiles thématiques sur la pêche au saumon, donc il rejoint des pêcheurs. Il a aussi récemment produit une toile sur des ligues de régate d’hydroplane, bien reçue des adeptes de ces compétitions.

Pour M. Giroux, le plus bel accomplissement de sa carrière est de n’avoir jamais abandonné. En effet, elle s’est débutée lentement, donc il avait de la difficulté à joindre les deux bouts. Même les gens sur l’aide sociale faisaient mieux que lui, a-t-il avancé. Il s’est endetté et a reçu de l’aide financière pour compenser, mais heureusement, les dernières années ont été plus prolifiques. « Ça progresse très bien et les choses se placent. L’avenir me semble assez intéressant, et si la santé peut rester bonne, ça va bien aller », a-t-il lancé, amusé.

Depuis 2014, son art se dédie presque entièrement à la peinture acrylique illustrant des portraits ou la nature sauvage, dont l’eau, la flore ou les poissons, et est généralement libellé sous l’hyperréalisme. « Un professeur de l’histoire de l’art au cégep disait que je faisais du réalisme baroque, ce j’ai aimé. Je ne suis pas quelqu’un qui a une imagination pour créer des choses qui n’existent pas. J’aime travailler sur des sujets qui me touchent », a-t-il précisé. Il travaille presque exclusivement en atelier, et se fie sur les photos prises avec sa caméra pour figer l’œuvre qu’il souhaite accomplir, appelant son appareil « son cahier de croquis ».

Se spécialisant dorénavant dans le traitement de l’eau, il monte en paysage « des ruisseaux, des pêcheurs, et puis j’ai eu des commentaires sur le fait que les gens ne pêchaient pas, donc j’ai commencé à enlever les pêcheurs de mes toiles et je me suis concentré sur l’eau. » Comme il a travaillé diverses textures dans le passé, il aime peindre de la matière : du bois, l’eau, des pierres, faune ou flore, ou en les mélangeant, et il s’y plaît « comme un poisson dans l’eau ».

Un être créateur depuis le premier jour

Philippe Giroux naît à Beloeil, en Montérégie, et y vit jusqu’à ses 13 ans. Il a assisté à l’Expo 67 avec sa famille quelques fois, ce qui l’a énormément marqué. « C’était quelque chose de phénoménal. Les choses que j’ai vu là, elles ont été imprégnées dans mon cerveau. C’était le commencement de l’ouverture du Québec sur le monde », a lancé Philippe avec ravissement.

En 1972, lui et sa famille déménagent à Matane. Alors que Radio-Canada a acheté CKBL à Matane pour créer leur nouvelle station, son père, André Giroux, qui travaillait à Radio-Canada Montréal depuis 20 ans, a été choisi pour entamer le lancement de Radio-Canada Gaspésie. L’ensemble de sa famille est reparti avec les années, sauf Philippe qui y est resté. Depuis 1972, il n’a quitté Matane que sept années, à Montréal et Québec, avant de revenir.

Jeune garçon, Philippe Giroux n’était pas encore le passionné des arts qu’il est aujourd’hui. Au contraire, il était tout un sportif, un nageur de compétition lors de son adolescence. « Ça a été un drôle de concours de circonstances. Je suis monté jusqu’à un haut niveau canadien et autour de 17 ans, au cégep, la natation a commencé à tomber », a-t-il expliqué.

À cette époque, il est entré au Cégep de Matane en électrotechnique, mais il n’a pas aimé son expérience et il laisse tomber après quelques mois. « Je ne savais pas trop où j’allais, mais j’avais tendance à trouver le monde marginal un peu plus amusant que les autres », a-t-il dit. Il s’est donc tourné vers l’art, et a commencé à dessiner. 

Il s’est donc inscrit à des cours additionnels d’art pour l’année 1976-1977, son tout premier cours étant un de sculpture donné par le professeur Gilles Girard. Ce n’est que l’année suivante qu’il a postulé au programme de technique de l’image, en photographie. « Mais je n’ai pas été très discipliné, disons qu’on s’amusait beaucoup au cégep », a-t-il rigolé.

À sa sortie des études collégiales, Philippe a vécu une période assez morose de sa vie. Au début des années 80, il a passé trois années de file sur l’aide sociale. « Il y avait un peu de dépression, je ne savais pas où m’orienter. C’était de temps en temps un cycle d’essai de job, de perte de job, d’aide sociale. Je ne mangeais pas forcément bien tout le temps non plus. » 

C’est pendant ces années qu’il a quitté Matane pendant sept ans pour tenter le coup à Montréal deux fois avant de retourner à Matane, puis il s’est essayé à Québec, pour finalement faire son retour définitif en 1993. « J’ai arrêté mes bottes définitivement – j’ai réalisé que je n’étais pas fait pour la grande ville. Et surtout qu’à ce moment-là, en 1993, je me suis mis à la pêche avec un bon copain, Daniel Croussette, qui m’a initié à la pêche à la mouche, et éventuellement à la pêche au saumon. » Sa région est donc devenue précieuse pour la continuité de sa passion.

À Matane, de bonnes connaissances l’ont aidé à se remettre sur pied. Il a essayé plusieurs jobines, dont busboy dans un bar, mais la plupart du temps, il était resté dans un milieu créatif, notamment en tant que disc-jockey et graphiste pour quelques entreprises et organismes à Matane. En effet, Philippe Giroux a toujours conservé un esprit créateur, même pendant les périodes de sa vie où il ne travaillait pas comme artiste. Ce n’est donc pas surprenant qu’il se soit lancé dans la décoration et la peinture intérieure peu après son retour final à Matane.

Entre 1993 et 2014, pendant une vingtaine d’années, il exécutait toutes sortes de contrats en décoration intérieure, en incluant des murales. Sans oublier qu’en 1991, une entreprise de Québec l’avait embauché pour faire quelques murales, et Philippe a découvert les techniques de peinture spécialisée, dont des textures, du faux-fini, des trompes-l’oeil, et bien plus.

La murale de Philippe Giroux à la Maison Andréa-Pomerleau. Photo courtoisie.

Philippe Giroux a laissé sa trace un peu partout à travers la Ville de Matane de par ses murales, dont celle au resto-bar Le 21, ou la bien connue de la Caisse Desjardins au centre-ville, complétée en 2001 et encore bien visible. Au travers de ces projets, il a continué ses contrats, et au niveau commercial, des décorations de Noël. « Je ne refusais à peu près rien. J’ai même fait des maquettes pour d’autres artistes, donc j’ai beaucoup appris au fil des années. »

Jusqu’à ce qu’il décide finalement d’être artiste-peintre professionnel en 2014, suivant une dizaine d’opérations aux mains. Philippe Giroux est atteint de la maladie de Dupuytren, une affectation des mains qui entraîne la flexion et l’immobilisation des doigts contre la paume. Sa main gauche est maintenant en mauvais état, même si elle fonctionne de base. « Je suis encore capable de tenir ma canne à pêche lorsqu’il y a un saumon », blague-t-il.

À l’avenir, Philippe Giroux aimerait rejoindre les exposants et collectifs d’art québécois. Il discute présentement avec un grand maître de l’Institut international des beaux-arts du Québec. Sinon, quelques-unes de ses œuvres se trouvent à Montmagny, la petite galerie de Réal Fontaine a ouvert avant la pandémie, et ils ont eu le temps de faire une exposition d’ouverture. Mais un jour, il aimerait monter une grande exposition au Québec, et espère que les Québécois lui laisseront sa chance. « Elvis Gratton nous l’a dit, think big ».